top of page
  • Photo du rédacteurCharles Arnault

La Blockchain au service de l’aide humanitaire #1 - Le don direct

Longtemps décriée, accusée de servir à financer des activités illégales et terroristes, la technologie Blockchain, utilisée à bon escient, présente également de nombreuses qualités. Qualités qui sont de plus en plus reconnues, notamment en matière de générosité publique et privée, où les projets technologiques basés sur les technologies Blockchain se multiplient. À tel point que certains voient en elle le futur de l’aide humanitaire.


Dans ce premier article de notre série “La Blockchain au service de l’aide humanitaire”, nous explorons une des opportunités les plus prometteuses d’utilisation de la Blockchain dans l’aide humanitaire : le don direct.


Le don direct, un puissant outil de développement


Le don direct désigne l’envoi de fonds directement aux particuliers. L’aide humanitaire ainsi transférée se distingue notamment du financement de projets conduits par des entreprises et associations locales. Elle se passe également d’intermédiaires, ce qui permet de diminuer au maximum les frais bancaires et les risques de fraude ou de corruption.


Le don direct s’apparente aux microcrédits, c’est-à-dire aux prêts de faibles montants, accordés pour soutenir des particuliers et les aider à développer leur activité - la principale différence étant l’absence d’un retour espéré, lorsqu’il s’agit d’un don. C’est le professeur d'économie bangladais Yunus Muhammad, créateur de la Grameen Bank au Bangladesh en 1976 et prix Nobel de la Paix en 2006, qui contribua largement à populariser et à démocratiser le microcrédit au niveau international, à partir de la fin des années 70.


Depuis, le microcrédit et le don direct ont fait l’objet de nombreuses études qui ont démontré leur efficacité et leurs vertus :

  • Ces pratiques encouragent les micro-projets, au niveau local, permettant d'induire des mutations “à la racine” [1] ;

  • Elles contribuent à l'amélioration de l'accès aux services sociaux de base (soins de santé, services de planification familiale, accès à l'eau potable...) [2] ;

  • Elles permettent de diminuer les risques de fraude et de corruption, maximisant la part des fonds envoyés qui arrivent jusqu’au destinataire [3].

Néanmoins, le développement du don direct se heurte à des difficultés techniques, notamment du côté des destinataires, qui n’ont pas toujours de moyens de recevoir ces dons - bien loin s’en faut.


Vaincre la non-bancarisation


Être affilié à une banque est un privilège, un luxe qui n’est pas accessible à tous. Dans le monde, près de 1,7 milliard d’adultes ne disposent pas de compte bancaire [4]. Une situation qui, bien qu’elle tende à s’améliorer au cours des années, continue d’affecter tout particulièrement les pays en voie de développement, en particulier ceux touchés par une crise humanitaire :

Nous sommes donc face à un paradoxe apparent : les transferts bancaires apparaissent comme la manière la plus naturelle de transférer des fonds directement aux individus qui en ont le plus besoin, mais ces individus sont majoritairement non-bancarisés.


Pour parvenir à mettre l’argent directement dans les mains des particuliers dans le besoin, il est donc essentiel de surmonter ce problème de non-bancarisation. La Blockchain est la meilleure manière d’y parvenir.


La Blockchain comme moyen d’inclusion financière


Contrairement à l’accès aux services bancaires, l’accès aux cryptomonnaies est possible à quiconque possède un smartphone et un accès, même ponctuel, à Internet. La Blockchain est donc un levier particulièrement pertinent dans la quête d’inclusion financière : plus d’un milliard de personnes non bancarisées possèdent un smartphone [5] et pourraient donc accéder aux services financiers à travers la Blockchain, même sans être affiliés à une banque.

Les nouvelles données sur la possession d’un téléphone mobile et sur l’accès à l’internet montrent que la technologie offre des opportunités sans précédent pour parvenir à l’inclusion financière universelle. - Jim Yong Kim, ex-président du Groupe de la Banque mondiale

Outre la problématique des individus non bancarisés, la Blockchain permet également de répondre à d’autres limites du système bancaire traditionnel.


L’inflation


Les pays frappés par une crise humanitaire connaissent fréquemment une inflation hors-normes. À titre d’exemple, le taux d’inflation au Liban a atteint un record de +173% entre le mois d'octobre 2020 et le mois d'octobre 2021. En reposant sur des cryptomonnaies au cours indépendant de la monnaie locale, les particuliers peuvent se protéger de ces dévaluations.


L’organisation à but non lucratif GiveCrypto, fondée en 2018, a ainsi lancé un service de don direct via les cryptomonnaies, permettant d’envoyer des fonds directement aux particuliers au Vénézuela. Le pays a en effet souffert des vagues successives d’hyperinflation - cette dernière ayant atteint 400 000 % en 2018. Au total, ce sont plus de 5 millions de dollars qui ont été donnés par des particuliers et envoyés directement vers les portefeuilles crypto de plusieurs dizaines de milliers de Vénézuéliens. Sur place, GiveCrypto a également mené des campagnes de sensibilisation afin d’inciter un nombre croissant de vendeurs, de magasins et d’enseignes à accepter les paiements en cryptomonnaies.


Les frais bancaires


Le système bancaire, en plus de laisser de côté près de 1,7 milliard d’adultes, est source de pertes d’argent (dues aux frais de transactions, aux fluctuations monétaires, ou encore aux taux de change parfois défavorables) évaluées à 10% du financement total en moyenne [6]. Les transferts sont également coûteux en temps : l’envoi de fonds à l’autre bout du monde prend généralement plusieurs jours, parfois plus d’une semaine. La Blockchain permet de réaliser des transferts de fonds quasi-instantanés avec des frais minimes.

Le gouvernement du Salvador a par exemple annoncé en février 2022 que son portefeuille Bitcoin serait disponible sur l’AppStore européen, permettant à la diaspora d’envoyer des fonds au pays sans frais, outrepassant les institutions traditionnelles.


Le défi de la collaboration


Lorsque plusieurs organisations humanitaires interviennent sur un même terrain, la collaboration est souvent un défi de taille : il devient nécessaire de réaliser un suivi extrêmement précis des actions qui ont été menées, des distributions qui ont été réalisées (qu’il s’agisse de ressources alimentaires ou directement monétaires), et de partager ces informations avec toutes les autres organisations pour éviter les doublons ou les oublis. Cependant, cette collaboration est en pratique extrêmement difficile à mettre en place et il est fréquent qu’elle soit défaillante, comme l’explique Houman Haddad, responsable des technologies émergentes au PAM (Programme Alimentaire Mondial) :

"Nous nous sommes retrouvés avec de multiples organisations ayant des mandats différents offrant quelque chose de plutôt similaire aux mêmes personnes. Au niveau supérieur, vous savez ce que chacun fait, mais au niveau détaillé, vous ne le savez pas. Et par le simple fait de ne pas savoir, certains finissent par recevoir beaucoup et d'autres moins, mais pas nécessairement parce que cela correspond à leur besoin."

Pour relever ce défi de la collaboration, le PAM mise sur la une solution technologique basée sur la Blockchain. Depuis 2009, le PAM utilise les transferts monétaires en plus de la distribution de denrées alimentaires : au lieu de recevoir des colis alimentaires, les réfugiés peuvent recevoir de l’argent sous forme d'un jeton alimentaire ou d'un bon électronique, pour faire leurs propres achats. Si un tel système permet aux bénéficiaires de jouir d’une plus grande liberté, il accentue les difficultés de collaboration : chaque organisation humanitaire utilise son propre système de distribution, avec des délais et des modalités variables, impliquant un nombre croissant de chevauchements ou de lacunes dans la distribution.


La technologie Blockchain, à l’étude par le PAM sur plusieurs projets pilotes, permettrait à toutes les organisations intervenant sur un même terrain d’exploiter le même système et donc d’assurer une distribution équitable. Les bénéficiaires n’auraient plus à gérer plusieurs bons d’alimentations, jetons ou cartes bancaires pour chaque organisation dont ils reçoivent de l’aide. [7]


Et la suite ?


Nous en avons mentionné quelques-uns dans cet article : les projets d’inclusion financière par la Blockchain se multiplient et démontrent tout le potentiel de cette technologie au service du monde de l’aide humanitaire.


Cet article vous a plu ? n’attendez plus et préinscrivez-vous dès maintenant pour ne rater aucune de nos futures publications !

 

[1] Association PASDB, Le microcrédit dans le monde, 2017.

[2] Contrepoints, Le microcrédit et le développement, 2013.

[3] GiveCrypto, Landing page, 2022.

[4] Banque Mondiale, Base de données Global Findex, 2018.

[5] GiveCrypto, Landing page, 2022.

[6] The Start Network, Blockchain experiment in humanitarian aid, 2017.

[7] Maddyness, Is Blockchain the future of humanitarian aid? The World Food Programme hopes so, 2021.

bottom of page